Ce Noël, joignez l’inutile au désagréable. Tout d’abord, entendons-nous bien : un cadeau n’est jamais tout à fait inutile – du moins à celui qui l’offre. C’est un formidable médium, un trait d’union mental entre vous et votre belle-mère, ou votre bru, ou votre beau-frère, ou encore votre tonton vicelard qui s’amuse à toucher les fesses de ses nièces dès leur première communion (on en a tous un dans la famille).
Un cadeau, quel qu’il soit, pèse d’une lourde signification dans la chaussette de l’être gâté.
Prenons une loupe. Une banale loupe. Offrez-la à votre grand-mère, 79 ans, qui commence à vous confondre avec votre sœur ; la pauvre vieille vous en remerciera chaleureusement (même si elle en possède déjà une). Mais offrez ce même objet à votre belle-mère qui tire sur la fin de sa cinquantaine, et elle n’aura pas besoin de la loupe pour vous scruter avec de gros, d’énormes yeux. Enfin, essayez donc de l’offrir à votre tonton vicelard, juste pour voir quel usage il aura l’idée d’en faire.
Toutes les inutilités ne se valent pas
Ce ridicule présent n’était qu’un exemple parmi des milliards. A ceux que ma brillante démonstration n’aurait pas convaincus ; tentez donc d’échanger en douce l’étiquette de tous les paquets-cadeaux sous le sapin, et observez bien quel ravissement saisit la grand-mère érodée par l’ostéoporose en se voyant offrir un saut en parachute, remarquez l’assentiment sans réserve des parents de votre petit cousin quand il leur présente son nouvel ami, un beau couteau à rôti électrique.
Dans ce magnifique imbroglio des générosités détournées, vous constaterez que toutes les inutilités ne se valent pas : il en est de beaucoup plus drôles que les autres. Gare cependant à ne pas verser dans la méchanceté gratuite. Noël doit rester une paisible cérémonie familiale, une célébration des douceurs de l’enfance. Offrir de l’inutile est comme écrire ; c’est manier une langue fort délicate, encline aux lourdeurs et aux contresens. Il convient de faire mouche à coup sûr, car toute maladresse peut être fatale. Chaque famille a son histoire, ses codes, ses non-dits, ses rancœurs, ses vieux, ses malades, ses petites sensibilités propres.
S’il se trouve que votre tonton vicelard est atteint d’un cancer et qu’il lui reste trois mois à vivre, je vous en prie, n’optez pas pour un abonnement d’un an au magazine Playboy. Si jamais vous vous faites un point d’honneur de donner dans le quasiment-pas-utile, rabattez-vous sur le calendrier Pirelli. Votre tonton saura en profiter à fond pendant ses trois derniers mois.
Olivier Larrey de Torrebren.
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